En phases finales de Top 14, il n’y a pas que le Stade Toulousain qui a laissé une trace indélébile dans la mémoire des supporters rochelais. Avant eux, une autre équipe en rouge et noir, leur avait brisé le rêve de décrocher un premier bouclier de Brennus : le RC Toulon d’Anthony Belleau. En l’honneur de la rencontre de dimanche soir entre les deux équipes, la rédaction vous propose de vous replonger dans cette demi-finale où les hommes de Patrice Collazo avaient tout pour décrocher une première finale historique.
Avant d’arriver à cette demi-finale, le Stade rochelais fait sa plus belle saison régulière en Top 14 de son histoire. Les hommes de Patrice Collazo et Xavier Garbajosa terminent 1er du championnat à la surprise générale avec 85 points. Même si l’objectif initial était de faire bonne figure, grâce notamment à son recrutement alléchant (Victor Vito, Brock James, Steeve Barry, Vincent Rattez…), le club à la caravelle va surprendre ses concurrents avec un paquet d’avants destructeur, un jeu magistral avec des arrières feux follets et va se permettre d’être un peu plus ambitieux.
Pour marquer un peu plus son empreinte sur cette saison, les coéquipiers de Uini Atonio seront invaincus pendant 11 matchs consécutifs entre décembre 2016 et avril 2017 (record égalé avec Toulouse à l’époque). Les Maritimes s’installeront à la 1ère place du classement à partir de la 19ème journée et ne vont plus la quitter. Ainsi, ils vont se qualifier directement pour la première demi-finale de Top 14 de leur histoire, trois ans après leur remontée dans l’Elite et quelques semaines après une demi-finale perdue cruellement face à Gloucester de deux points (14-16) !
Une « Collazade » des grands soirs
Ce match commence mal pour les Jaune et Noir, alors que l’on est à seulement quelques heures du coup d’envoi. Pour cause, deux forfaits vont surprendre le staff rochelais : ceux de Leandro Cedaro en seconde ligne et de Paul Jordaan au centre. Pour suppléer ce dernier, Levani Botia est naturellement mis à sa place et Steeve Barry intègre le banc. En revanche, pour remplacer le deuxième ligne argentin, on va assister à une surprise de Patrice Collazo : Uini Atonio va jouer son deuxième match en deuxième ligne de sa carrière, au côté de Damien Lagrange.
Composition du Stade rochelais
1. Pelo ; 2. Maurouard ; 3. Kaulashvili ; 4. Atonio (cap.) ; 5. Lagrange ; 6. Sazy ; 7. Gourdon ; 8. Vito ; 9. Retière ; 10. James ; 11. Rattez ; 12. Botia ; 13. Aguillon ; 14. Lacroix ; 15. Murimurivalu
Remplaçants : 16. Forbes ; 17. Corbel ; 18. Qovu ; 19. Eaton ; 20. Januarie ; 21. Holmes ; 22. Barry ; 23. Boughanmi
Composition du RC Toulon
1. Fresia ; 2. Guirado ; 3. Van Der Merwe ; 4. Kruger ; 5. Taofifenua ; 6. Smith ; 7. Gill ; 8. Vermeulen (cap.) ; 9. Tillous-Borde ; 10. Belleau ; 11. Mitchell ; 12. O’Connor ; 13. Bastareaud ; 14. Tuisova ; 15. Halfpenny
Remplaçants : 16. Etrillard ; 17. Chiocci ; 18. Gorgodze ; 19. Fernandez Lobbe ; 20. Yobo ; 21. Giteau ; 22. Escande ; 23. Setiano
Le choc
Dans un stade Vélodrome chauffé à blanc de 65 000 personnes, Toulon évolue presque à domicile, eux qui ont déjà joué dans l’enceinte marseillaise, notamment pour la réception de Toulouse un peu plus tôt dans la saison. La première mi-temps va être un véritable combat de boxe entre les deux équipes qui vont se rendre coup pour coup. Il faudra attendre la 20ème minute pour que Brock James trouve le chemin des perches et marque les premiers points de ce match sur un drop (3-0). Avant lui, Anthony Belleau en avait tenté un sur la ligne des 40 mètres (15e). Peut-être un signe annonciateur ? Les Toulonnais répondent cinq minutes après par l’intermédiaire de Leigh Halfpenny (3-3, 25e). L’arrière gallois convertit une pénalité concédée par Vincent Pelo au sol, suite à une perte de balle de Levani Botia.
Juste avant la demi-heure de jeu, Brock James redonne l’avantage aux siens sur une pénalité de 40 mètres (6-3), mais les Rochelais font un cadeau à Halfpenny sur le coup d’envoi et concède une pénalité à 22 mètres face aux poteaux (6-6). À la 35ème minute, le centre international tricolore Mathieu Bastareaud est lancé plein fer dans la défense rochelaise, mais ce dernier fait face à un énorme surnombre (4 contre 2) et les Maritimes récupèrent finalement le ballon. Juste avant la mi-temps, l’ouvreur australien de La Rochelle, Brock James, transforme une pénalité sur la ligne des 22 mètres toulonnais. Score à la pause : 9-6 pour les hommes de Patrice Collazo.
Aux retour des vestiaires, La Rochelle semble prendre l’avantage sur les Varois, met plus de rythme et Brock James passe deux nouvelles pénalités en six minutes (15-6, 46e). Sur cette dernière, les Jaune et Noir subissent un premier coup dur, avec la sortie sur protocole commotion de leur capitaine Uini Atonio, après un choc avec Mathieu Bastareaud, qui (à l’époque) ne vaut pas de carton. Un carton, il va en être question quelques minutes plus tard et cela va être le tournant du match. Alors qu’il reste moins de 30 minutes à jouer, le Stade rochelais possède un petit matelas de neuf points d’avance et semble voir la route se dégager, tellement il maîtrise son match. Mais de la maîtrise, c’est ce qu’il va manquer à Pierre Aguillon lors d’un plaquage sur James O’Connor. La défense agressive du « taureau du Gers » sur le centre australien fait basculer ce dernier sur la tête, qui va directement touché le sol. Sur les ralentis proposés par la réalisation de Canal+, l’entraîneur Xavier Garbajosa, mains sur la tête, est inquiet. Il le sait avant même que l’arbitre du match Pascal Gaüzère ne sorte le carton… rouge (52e).
Les supporters du RCT se réveillent, leur équipe a maintenant toutes les cartes en main. L’avance des Maritimes s’amoindrit en cinq minutes grâce au pied de Halfpenny (15-12, 56e). La Rochelle tient, mais les corps souffrent : les crampes se multiplient. Jusqu’à quand vont-ils tenir ? Auteur de tous les points de son équipe, Brock James sort à la 67ème minute, quittant prématurément ses partenaires après avoir subi un gros plaquage. Premier uppercut toulonnais. Les Rochelais sont sonnés et se mettent à la faute en mêlée. Halfpenny ne se fait pas prier. Toulon recolle (15-15, 70e).
L’autre ouvreur australien Zack Holmes, entré pour remplacer Brock James, ne va pas avoir la même réussite face aux perches que son compatriote. En face de lui, l’ouvreur varois Anthony Belleau va lui répondre présent. Ce n’est que sa troisième titularisation de la saison et la seconde contre le Stade Rochelais. Lorsque les hommes de Richard Cockerill s’étaient déplacés à Deflandre en octobre 2016, il était passé totalement à côté de son match, sortant même à la mi-temps. Délaissé de la responsabilité du but, il se contente de gérer le jeu toulonnais, chose qu’il fait très bien depuis le carton rouge de Pierre Aguillon. Alors que ses coéquipiers sont à cinq mètres de la ligne, à la 81ème minute, Sébastien Tillous-Borde éjecte le ballon vers son numéro 10, en position de drop. Seul, légèrement excentré à dix mètres à peine des perches rochelaises… du pain béni pour lui. Les jambes ne tremblent pas du tout. Face aux supporters varois, Belleau vise juste et envoie le peuple toulonnais au paradis et les Rochelais dans les abîmes, à l’image d’un Patrice Collazo complètement KO et en larmes. Cruel.
On pourrait faire un parallèle en comparant le scénario de ce match avec celui de l’abandon de Thibaut Pinot sur le Tour de France 2019 et aux paroles entre lui et son manager lors de sa rentrée à l’hôtel. Alors qu’il était dans la forme de vie, qu’il pouvait être en tête du classement général et qu’il restait deux jours avant l’arrivée finale, Thibaut Pinot en pleurs dans sa chambre d’hôtel se demandait « Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ? ». Son manager de toujours Marc Madiot lui a dit tout en le consolant « T’as tout bien fait, tu n’y es pour rien, ce n’était pas pour cette année […] c’est un accroc du destin et un jour ou l’autre, la porte va s’ouvrir. » En 2022, dans ce même stade Vélodrome, les Maritimes décrocheront leur premier titre majeur : la première de leurs deux coupes d’Europe, après un cruel premier échec l’année passée. Tout vient à point à qui sait attendre…
Crédit photo : Icon Sport