Lors de la rencontre face au Racing 92 ce dimanche 2 novembre, Grégory Alldritt a célébré ses 150 rencontres avec la tunique jaune et noire. Un nombre symbolique pour le capitaine de la caravelle rochelaise. Si cela intervient dans un contexte particulier pour le troisième ligne, c’est néanmoins un cap que peu de gens peuvent se targuer d’avoir atteint. Analyse.
18 novembre 2017, Stade Pierre-Fabre, Castres.
Dans le cadre de la dixième journée de Top 14, les Jaune et Noir se déplacent en terre tarnaise. Malgré trois cartons jaunes, ce sont les hommes de Christophe Urios qui ressortent victorieux 31 à 15 contre le Stade Rochelais. Dans la défaite des Maritimes, un jeune moussaillon a fait ses débuts : Grégory Alldritt. Un gamin, âgé de 20 ans, venu d’Auch vient de poser la première pierre de sa légende.
Grégory Alldritt n’aura joué « que 49 minutes » avant d’être remplacé par une autre légende, Victor Vito. Mais l‘essentiel est là, Alldritt a mis le pied dans l’équipe première. S’en suivent neuf autres matchs cette saison-là, dont la rencontre contre l’ASM Clermont Auvergne à Marcel-Michelin. Si c’est une nouvelle défaite rochelaise, c’est également le premier essai de la carrière d’Alldritt, qui, rentré à un quart d’heure du terme à la place de Levani Botia, permet à son équipe de repartir de Clermont-Ferrand avec le point du bonus défensif.
La suite est bien connue. « Greg » s’impose comme un titulaire indiscutable dès la saison suivante, aussi bien en tant que numéro 8 que flanker. Il est appelé par le sélectionneur Jacques Brunel et découvre Marcoussis à l’occasion du Tournoi du VI Nations 2019. Le Gersois passe devant Louis Picamoles juste avant la Coupe du monde et devient un cadre inamovible du XV de France sous Fabien Galthié. Sur les bords de l’Atlantique, il participe à l’évolution du Stade Rochelais, d’un honorable club de Top 14 à un cador européen, en étant de toutes les épopées du club à la caravelle. À 28 ans, au pinacle de sa carrière, il est le capitaine de La Rochelle et le vice-capitaine de l’équipe de France. Alldritt est devenu grand : c’est un joueur accompli et reconnu mondialement.
Besoin de souffler
Grégory Alldritt ne déroge pas à la règle d’une carrière non linéaire. Après une fin de coupe du monde décevante et prématurée, cette saison 2022-2023 arrive enfin à son terme pour Greg. Mais alors que La Rochelle et une certaine Champions Cup ne sont pas très loin, le capitaine des Maritimes ne compte pas reprendre le brassard tout de suite. À 26 ans seulement, il décide de prendre une pause. Épuisé mentalement, ses plus de 2000 minutes de temps de jeu moyen, sur ses deux dernières saisons, y sont pour quelque chose. Il est aussi émoussé physiquement : douleurs au genou, à l’épaule, aux ischios… Pour le bien de son club et de sa patrie, il est allé au bout. Pour ne pas finir blessé, il fait le choix d’une pause de plus de deux mois.
Alldritt revient le 30 décembre 2023 à Marcel Deflandre, en tant que remplaçant pour affronter la bête noire des Jaune et Noir, le Stade Toulousain. À partir de ce moment, tout revient à la normale pour lui. Il enchaîne les titularisations avec La Rochelle et avec le XV de France le temps du Six Nations, où il est nommé capitaine en l’absence de son ami Gersois, Antoine Dupont. Pourtant quelque chose cloche. Quand on regarde ses matchs, il paraît plus faible, avec moins de punch. Le Stade ne retrouve pas son capitaine des grandes heures. Ce constat vient entacher son retour et toute sa saison 2023-2024. L’intéressé en est conscient. « La vérité est que je n’ai jamais été à mon top niveau physique sur l’année passée », admet-il dans les colonnes de Midi Olympique, en janvier 2025.
De nombreux facteurs montrent cet état de baisse. Le débat au poste de 8 entre lui et Yoan Tanga (évident du côté du staff rochelais), son rendement d’essais en baisse, mais surtout ses statistiques offensives. Quand on compare sa Champions Cup 2023 et 2024, on note 25 défenseurs battus et 374 mètres ballon en main en 2023, contre 16 défenseurs battus et 142 mètres ballon en main pour 2024. Grégory Alldritt n’impacte plus ou en tout cas impacte moins les défenses adverses. Mais un secteur est en constante progression, sa défense.
Changement de registre
Initialement, le flanker, devenu troisième ligne centre, portait bien plus le ballon. L’année 2024-2025 marque un changement chez Grégory Alldritt. Évoluant à côté d’un Paul Boudehent de plus en plus puissant, et d’un petit nouveau, Oscar Jégou, possédant des grosses qualités athlétiques, « Greg » doit changer de registre, ou plutôt se focaliser sur celui de la défense. L’année 2024 marque cette transition, avec une plus grosse présence dans les plaquages. Un meilleur rendement passant de 10% de plaquages dominants en Top 14 en 2023-2024 à 35% en 2023-2024 pour 50 plaquages en plus. Pas anodin.
Mais comme il l’a évoqué, physiquement ce n’est pas encore ça. 2024-2025 ne commence pas de la meilleure des manières puisqu’il enchaîne deux performances en demi-teinte avec le XV de France durant la tournée d’automne, et se retrouve absent de la dernière feuille de match face à l’Argentine, remplacé par Charles Ollivon. « Ce ne sont pas des décisions qui tombent comme ça, comme un couperet. On discute avec les joueurs, on leur fait part des tendances de la forme du moment », s’est justifié le manager de l’équipe de France, Fabien Galthié après ce choix. Pourtant la situation va vite changer, dès le début de l’année 2025.
Sa saison 2024-2025 est assez proche en termes de résultats personnels que la précédente, avec un meilleur rendement offensif. Il s’illustre surtout par sa constance et une plus grosse présence dans les rucks. Ce nouveau souffle se fait ressentir pendant le VI Nations. Il est le joueur le plus présent dans les rucks, troisième joueur avec le plus de courses ballon en main, et cinquième meilleur gratteur du tournoi. Grégory Alldritt est beaucoup moins flamboyant, moins dans le cœur du jeu mais s’illustre davantage dans les tâches de l’ombre. Mais ce n’est pas encore le retour du grand Grégory Alldritt.
Alldritt est-il encore un cadre du XV de France ?
Le choc fut important. Mercredi 29 octobre, le staff du XV de France annonçait la liste des joueurs protégés, ceux n’étant pas dessus sont renvoyés à leur club. Le natif de Toulouse figurait toujours dessus jusqu’alors et il semblait évident pour tous les observateurs de le voir dedans. Pourtant, son nom n’apparaît pas. Le capitaine du Stade Rochelais n’est pas retenu par l’équipe de France, à la surprise générale. Une douleur aux cervicales est évoquée. Finalement, il revient à La Rochelle pour s’entraîner et disputer la rencontre face au Racing 92. Avant de repartir à Marcoussis. Mais la messe est dite, bien qu’il soit un cadre de l’ère Galthié, Grégory Alldritt ne sera pas du match face aux Springboks ce samedi soir et sera réserviste en observant le match depuis les travées du Stade de France. Il ne sera donc pas à disposition du club à la caravelle, contrairement à Charles Ollivon par exemple.
La presse n’a pas tardé à parler d’un déclassement express, peut-être un peu précipitamment. Néanmoins, la question est légitime : Quid d’Alldritt avec l’équipe de France ? Si nous ne sommes ni dans l’intimité de la sélection française, ni dans celle du staff de Fabien Galthié, le choix de ne pas faire jouer celui qui est, en l’absence d’Antoine Dupont, le capitaine de l’équipe de France, semble indiquer une remise en question du statut de cadre inamovible dont pouvait bénéficier Grégory Alldritt. Certains joueurs ont explosé, à l’image du troisième ligne du LOU, Mickaël Guillard, qui portera le numéro 8 ce samedi.
Néanmoins, il faut rester mesuré. Si Mickaël Guillard jouera troisième ligne centre contre l’Afrique du Sud, on connaît la loyauté du sélectionneur français envers ses cadres. Le retour de Gaël Fickou après une période plus difficile en est un très bon symbole. S’il est surprenant de ne pas voir Alldritt jouer contre les doubles champions du monde en titre, Fabien Galthié n’a pas l’habitude de faire table rase du passé. L‘histoire que le natif de Toulouse a écrit avec la sélection pèsera à un moment donné dans la balance face à ses potentiels concurrents.
Statistiques de Rugbypass et AllRugby
Crédit Photo : Icon Sport
Coauteur : Mathieu Darras