Paul Boudehent dans la cage : solution d’avenir ou simple intérim ?

Depuis le début de la saison, l’habituel troisième ligne aile Paul Boudehent évolue en deuxième ligne afin de dépanner à un poste où les joueurs manquent de s’affirmer comme des leaders. L’option choisie par Ronan O’Gara peut-elle s’avérer durable ? Nous vous livrons notre analyse.

Paul Boudehent est un homme à tout faire. Devenu capitaine de touche légitime, son profil grand et puissant lui permet d’évoluer à tous les postes de la troisième ligne mais aussi au centre, à l’aile et plus récemment dans la cage. Le manager irlandais a opté pour ce parti pris dès la première journée à Bordeaux en lui offrant une première titularisation au poste de numéro 4. Cette décision s’explique par l’importance des matchs du début de saison, le retour de blessure progressif de Thomas Lavault et l’absence temporaire de Will Skelton. Le colosse australien fait des aller-retour entre La Rochelle et l’Australie, avec laquelle il est engagé en sélection pour le Rugby Championship. Son retour est à chaque fois un renfort de poids, mais il faut savoir le préserver.

En complément de la deuxième ligne, on retrouve l’habituel Ultan Dillane, opéré cet été de l’appendicite et en phase de reprise. Son retour est vivement attendu pour faire souffler le cadet des frères Boudehent. Kane Douglas, 36 ans, est ainsi le pendant de l’Angevin en deuxième ligne, quand Thomas Lavault revient doucement et entre régulièrement en jeu lors des premiers matchs de la saison. Mais l’ancien bordelais est de plus en plus vieillissant et peine à maintenir le niveau exigé par le Stade Rochelais.

Un changement de poste perturbant ?

Deux visions s’entremêlent. D’un côté, le joueur passé par Nantes a confié à Sud Ouest devoir s’adapter malgré lui pour satisfaire les carences de l’effectif en ce début de saison. « Ce n’est pas ma volonté de jouer en seconde ligne, je le fais parce que malheureusement à ce poste-là, Ultan Dillane est blessé de longue date et Will Skelton est pris par sa sélection”. Pourtant, en bon avant polyvalent, il sait que développer sa palette offensive est très important, même si “les efforts sont complètement différents. Tu peux courir beaucoup plus en troisième ligne parce que tu fais moins d’efforts”.

Sa mobilité et sa grande taille lui permettent de rivaliser dans les duels aériens et d’apporter sa puissance dans les rucks mais aussi de se rendre disponible à d’autres postes en cas de renversements de jeu. “C’est devenu une habitude de changer de poste, rapporte-t-il au journal Sud Ouest. ‘J’ai tellement bougé que je suis capable de jouer 4, 5, 6, 7, 8 ou même sur les postes arrière”. Un couteau-suisse qui plaît d’ailleurs à Fabien Galthié, le sélectionneur tricolore. Régulièrement utilisé en troisième ligne, il peut être aussi choisi comme un deuxième ligne voire un arrière supplémentaire, en sortie de banc, de par son physique rugueux et sa foulée flamboyante.

Ce virage pris en deuxième ligne n’est pourtant pas nouveau. Le natif d’Angers travaille sa polyvalence, qui lui permet de figurer sur les feuilles de match du sélectionneur tricolore. Initialement une solution de dépannage, c’est désormais un réel atout que l’intéressé assume désormais pleinement : “Au départ, j’étais beaucoup remplaçant dans un système en 6-2 pour dépanner. Maintenant, je travaille toutes les semaines pour être un potentiel titulaire à ce poste”, glissait ce dernier dans les colonnes de Midi Olympique. L’homme aux 19 sélections en équipe de France devrait augmenter son compteur d’apparitions sous le maillot frappé du coq. Il devient le Monsieur Plus du pack rochelais et de la sélection tricolore, en plus d’être un véritable leader et un homme de combat.

Changer pour durer ?

Son changement de poste a-t-il vocation à être pérennisé ? Les avis sont partagés. Le rapport poids-puissance du colosse aux 113 kilos sur la balance est un réel atout et apporte plus d’impact au cœur du jeu. Malgré sa ”petite” taille (1,92 m) pour un poste dans la cage, son allonge impressionnante lui permet de glaner des ballons en touche. Il en vient même à faire de l’ombre à des maîtres du poste comme son coéquipier Will Skelton ou le toulousain Emmanuel Meafou. 

Au sein de la rédaction, l’heure est plutôt à la prudence. Le néo-centurion maritime est un joueur impressionnant, mais au vu de son abattage et de sa science du jeu, son poste en troisième ligne semble plus approprié à son jeu. Cela ne l’empêche pas de sauter en touche pour tromper l’adversaire, mais ses courses tranchantes et sa puissance ballon en main se complètent parfaitement avec le capitaine Grégory Alldritt et le désormais indispensable Oscar Jegou, robuste et sur le même profil coureur que le partenaire de Kane Douglas. Le vivier important au fond du pack permet ce dépassement de fonction, là où la polyvalence est si précieuse aux yeux du staff maritime.

Malheureusement, la surutilisation des joueurs est encore dans toutes les têtes avec Will Skelton. Paul Boudehent en est à ce jour à trois titularisations en quatre matchs et 281 minutes jouées sur 320 possibles. Le retour d’Ultan Dillane est fortement attendu, tout comme le regain de forme de Thomas Lavault.

Un replacement en vue de l’équipe de France ?

La réflexion tactique de l’ancien joueur du Munster n’est pas anodine. Certes, l’objectif est de suppléer le manque d’expérience à un poste si important mais c’est aussi d’en faire un joueur plus complet qu’il ne l’est déjà. La perception initiale d’un profil rugueux et très musculeux tend à être changée par l’intéressé qui aime être remarqué pour sa mobilité et ses qualités rugbystiques. C’est de toute façon ce que recherche Fabien Galthié, comme il a souvent pu compter sur d’autres joueurs mobiles et dotés d’une intelligence de jeu impressionnante pour se substituer selon les besoins de l’équipe au cours du match. Lors des rencontres internationales, cela devrait lui octroyer une place de choix dans les compositions d’équipe du sélectionneur français.

Paul Boudehent est donc un joueur de classe mondiale qui ne cesse d’élargir sa palette de joueur de rugby. L’exigence du Stade Rochelais et les louanges de son manager Ronan O’Gara le poussent chaque jour à donner le meilleur de lui-même. Ce dernier l’a dit lui-même au quotidien l’Équipe : “On a besoin de lui sur le terrain, c’est difficile de ne pas l’avoir dans le huit de devant ». Assez discret dans la vie, bien que farceur, c’est un leader de combat et de jeu qui montre l’exemple par sa culture de la gagne, sans ménager ses efforts. Avec la polyvalence développée, il devient un élément indispensable du dispositif maritime et a déjà largement contribué à la renommée du club à la caravelle. À terme, les meilleurs observateurs, à savoir ses coéquipiers, le voient déjà comme un futur deuxième ligne à La Rochelle et pourquoi pas en équipe de France.

Crédit photo : Actu.fr, Stade Rochelais et Quinze Mondial