Pourquoi le paquet d’avants rochelais paraît moins dominant qu’auparavant ?
La défaite contre Montpellier, samedi dernier, a mis en lumière l’incapacité du pack rochelais à scorer (malgré les présences d’Atonio, Skelton, Alldritt…), dans un match où il devait avoir les clés pour glaner un succès. Plongeons-nous dans les maux des avants maritimes et essayons de trouver des remèdes.
Les touches et les mêlées sont les fondamentaux du jeu des avants et du rugby, on ne vous apprend rien. Les Rochelais figurent parmi les meilleurs dans ces domaines. Comme nous le montrent les graphiques ci-dessus, la saison 2022/2023 du club à la Caravelle est, sans doute, la meilleure de son histoire sur la conquête où ils étaient maîtres dans ce domaine avec 77,23% de mêlées gagnées et 86,19% de touches gagnées, soit le meilleur alignement du championnat. Saison où les Jaune et Noir sont passés à deux doigts du doublé, après avoir terminé deuxième de Top 14 et décroché un second titre européen.
En 2021/2022, saison du premier titre européen, la saison de Top 14 des Maritimes est moins joyeuse avec une cinquième place et une défaite en barrage contre Toulouse. Les pourcentages parlent d’eux-mêmes, notamment en touche, c’est une des pires saisons en termes de statistiques des avants rochelais.
Quant à l’exercice comptable de 2023/2024, saison tronquée par la Coupe du Monde, une différence notable apparaît concernant les touches. La saison passée, le club a dû évoluer une bonne partie de la saison sans son talonneur habituel, Pierre Bourgarit, blessé en décembre et absent quasiment toute la saison. Le staff rochelais a alterné entre Quentin Lespiaucq et Tolu Latu, qui ont été irréguliers dans leurs performances tout au long de la saison.
Le pack rochelais, malgré une petite baisse de régime, reste un des meilleurs du championnat. Mais, il y a un point où il va devoir passer un cap : celui d’être toujours constant dans les performances, malgré les absences de ses cadres, et notamment, son capitaine Grégory Alldritt.
Un capitaine sans lieutenants
Sorti à la 76ème minute samedi dernier, le capitaine rochelais Grégory Alldritt semblait totalement rincé, émoussé, le visage noir marqué par l’effort. Pourtant, il n’a pas réussi à porter ses troupes et, surtout, à pousser ses coéquipiers pour ne pas repartir fanny de ce déplacement en terre héraultaise. Depuis la retraite du « shérif » Romain Sazy à la fin de la saison 2022/2023, le Gersois paraît être le seul leader de cette équipe et le seul capable de motiver ses troupes, notamment chez les avants. Actuellement, rares sont les joueurs rochelais à fédérer le groupe autre que lui.
L’exemple le plus frappant est la période pendant la Coupe du Monde la saison passée, et même après cette dernière puisque le natif de Toulouse va prendre une « pause » de 3 mois. Durant la période du 20 août au 30 décembre 2023 (date du retour de « Greg »), le Stade Rochelais sera dans la deuxième partie de tableau, n’allant pas plus haut que la neuvième place du classement et flirtera avec la zone de relégation. Quelques semaines après, il reprendra la marche avant, avec le retour de son capitaine, et finira par retrouver le top 6 début mars 2024 pour ne plus le quitter.
Ce manque de leadership pourrait devenir un vrai problème pour l’équipe dans un futur plus ou moins proche. En dessous de ses standards habituels ces derniers temps, le capitaine porte l’équipe un peu trop seul sur ses épaules, ce qui semble lui peser. Pourtant, les Jaune et Noir comptent dans leurs rangs des joueurs comme Atonio, Lavault, Skelton, Danty etc… qui sont capables de prendre ce leadership grâce à leur expérience !
Après la belle victoire à domicile face à l’UBB, le 20 octobre dernier, le troisième ligne international attendait plus de régularité dans les performances du groupe, comme il le disait au micro de Canal+ : « Maintenant ce serait bien que cette intensité soit présente à tous les matchs et que nous n’attendions pas d’être piqués pour répondre ». Seulement, après le zéro pointé face au MHR, les Rochelais devront se remobiliser ce samedi soir face aux soldats roses et faire sans leur capitaine parti dans l’équipage du XV de France.
Miser sur le physique, sur un malentendu…
Historiquement, le Stade Rochelais a toujours eu un jeu basé sur ses avants. Si l'on faisait un sondage auprès des supporters du club, la majorité d'entre eux citeraient des avants comme joueurs emblématiques du club. Par exemple, Victor Vito, Kévin Gourdon, Tamato Leupolu, Uini Atonio, ou encore Cobus Grobler. Les Maritimes ont toujours eu cette capacité à se renouveler, notamment avec les jeunes de leur centre de formation, mais aussi à développer toujours plus leur jeu très physique avec des avants qui concassent leurs adversaires.
Arrivé en 2019 en provenance de l’ASM Clermont, le préparateur physique Philippe Gardent a permis aux joueurs de passer un cap, notamment avec son expérience en football américain. Ses préparations ont porté leurs fruits, notamment, avec les deux titres consécutifs européens contre le Leinster, avec des matchs âpres physiquement où les Rochelais ont détruit le pack irlandais.
Non conservé par le club à la fin de la saison dernière, il a été remplacé par le sud-africain Stephan Du-Toit en provenance du Stade Français, qui apporte une autre vision de la préparation physique. Il va devoir prendre ses marques et s’habituer au groupe. Le début de saison des Maritimes montre des carences physiques, notamment avec des blessures longues (Pierre Bourgarit, Raymond Rhule…), mais aussi, avec des petits pépins physiques de joueurs cadres (Will Skelton, Teddy Thomas, UJ Seuteni…). Durant les matchs, notamment du côté des avants, on ressent un manque de rythme, et parfois, un manque de fraîcheur physique. Cela s'est vu du côté de Toulouse (notamment en deuxième mi-temps), mais aussi et surtout à Montpellier samedi dernier, où bon nombre de Rochelais avaient les mains sur les hanches au bout de 20 minutes de jeu.
Le quart de la saison étant écoulé, et alors que les échéances européennes arrivent à grands pas, le Stade Rochelais devra se recentrer sur ce qu’il sait faire de mieux. Dans le sillage de son paquet d’avants, il peut et va devoir trouver les solutions pour remédier à ses maux. Il pourra compter au cours de la saison sur ces jeunes (Penverne, Satidze, Kuntelia, Kanté-Samba…) qui tapent à la porte du groupe pro, sur le retour de ces cadres (Levani Botia, Oscar Jégou…), mais aussi, sur une préparation physique qui devrait atteindre son pic de forme au printemps, où les enjeux seront cruciaux !
Simon Bourdolle