Qui pour porter le numéro 10 ?

Lors de la victoire à Gerland samedi dernier, l’ouvreur Néo-Zélandais Ihaia West a livré une grosse performance. En parallèle, l’ouvreur international français Antoine Hastoy est lui aussi sur une bonne dynamique. Alors que le premier tiers de la saison de Top 14 est passé, et à quelques matchs des premières échéances européennes, qui est le plus propice à être l’ouvreur des grands matchs au Stade Rochelais ? Décryptage.

S’il n’a pas porté le numéro 10 depuis le 11 octobre dernier, Antoine Hastoy demeure le titulaire sur le papier, comme en témoigne son temps de jeu. Il est l’ouvreur jaune et noir qui a le plus foulé les pelouses : 362 minutes de temps de jeu réparties sur cinq feuilles de match (quatre titularisations, 73 minutes de temps de jeu moyen). C’est pourtant un temps de jeu assez faible quand on le compare à celui des ouvreurs titulaires du Top 14 : Matthieu Jalibert et ses 429 minutes, Romain Ntamack et ses 487 minutes, Joris Segonds et ses 498 minutes ou encore Harrisson Plummer et ses 476 minutes. Un temps de jeu « faible » lui permettant de plus se reposer pour livrer des grosses performances ? Possible.

Hastoy est sur la lancée de sa fin de saison 2024-2025, très en jambes. 152 mètres parcourus, 39 courses, l’ancien palois est en feu. Il propose un jeu très offensif à l’image de ses trois franchissements et de ses 12 défenseurs battus. En plus d’une grosse capacité d’attaque qu’on lui connaît, il sait aussi être à la finition (un essai et surtout trois passes décisives), à l’image de son match face à Bordeaux où il offre une passe au pied millimétrée pour Jules Favre, qui a inscrit le premier essai rochelais de la saison. Un match référence pour le natif de Bayonne, au même titre que toutes ses autres performances qui sont à mettre en évidence.

Antoine Hastoy peut s’avérer être bon pour calmer le jeu, temporiser dans les moments importants. Il l’a prouvé avec ses 37 coups de pied. Il a, par exemple, énormément apporté dans l’occupation et dans la fermeture du jeu lors du déplacement à Jean Bouin. Une nouvelle preuve de la polyvalence de l’international français. On peut noter que cette saison ne rime pas forcément avec défense. Antoine n’a plaqué qu’à 12 occasions. Un rendement assez faible, surtout avec ses 57% de réussite aux plaquages. Et autre point noir à noter, une rentrée très timide face aux Lyonnais, avec une réussite au pied de 0/2, lui faisant baisser son pourcentage à 80%.

Le Néo-Zélandais âgé de 34 ans a fait les beaux jours du Stade Rochelais. On se rappelle de son énorme performance européenne lors du premier titre du club à la caravelle en 2022. Pourtant, depuis son retour en 2023-2024, le natif de Havelock North alterne le bon et le moins bon, ouvrant souvent la discussion sur sa place en tant que deuxième ouvreur. Mais Ihaia entame cette possible dernière saison en Jaune et Noir de la meilleure des manières, lui qui est en fin de contrat cette année. Il a beau être un des acteurs du premier essai contre l’USA Perpignan, la conclusion est moyenne, il a manqué de punch avec une qualité de passe moyenne.

Mais deux semaines après, il est sur le banc face au Stade Français Paris et fait une rentrée au centre plus que remarquée, apportant énormément lors de la rentrée du banc, et proposant un jeu au pied de pression plus qu’efficace. Un match qui lance sa saison. S’en suivent deux très grosses performances contre les Montalbanais et les Lyonnais, mélangeant prises de décisions payantes, dynamisme et passes de qualité.

On retrouve l’électron libre, capable de créer du jeu sur n’importe quel ballon et cela se voit à ses deux passes décisives, entre autres. On pense à sa passe au pied vers Jules Favre qui donne à Paul Boudehent pour son essai contre le LOU. Mais aussi à sa qualité de passe, tournant à 96% de précision. Rien que ça. Offensivement, ce sont 32 mètres parcourus en moyenne, ce qui est plus qu’Hastoy, pour 12 courses et sept défenseurs battus, s’offrant deux jolis essais. On note défensivement qu’il n’a fait que sept plaquages sur ses quatre matchs disputés (trois titularisations), avec cependant une réussite de 70%. Malgré les critiques sur sa qualité face aux poteaux, il est tout de même à 83% de réussite, même si il faut noter qu’il n’a fait que six tentatives.

Statistiques provenant de RugbyPass et AllRugby

La question est épineuse. Quand on regarde le jeu, le vieux briscard Ihaia West est plus dynamiteur et trouve plus de mètres dans ses offensives, créant plus de danger sur ses actions. Mais Antoine Hastoy propose bien plus de phases de jeu, avec des meilleures capacités dans la confrontation (2,4 défenseurs battus en moyenne par match, contre 1,7 pour West). Le Néo-Zélandais, lui est plus propre, que ce soit défensivement, sur la discipline (0 pénalité en 4 matchs), et avec une meilleure qualité de passe. Le Français, lui, montre en ce début de saison une palette d’actions plus variée, permettant plus d’adaptation, surtout quand il s’agit d’occuper, secteur qu’il maîtrise bien plus que son coéquipier. Quand on se penche sur les statistiques, on a la confirmation des analyses citées en amont.

La conclusion est que les deux ouvreurs rochelais représentent de gros dangers pour les défenses adverses, mais s’il y a un choix à faire du côté du staff, il risque d’être plus en la faveur de l’ex-palois. Antoine Hastoy est un joueur plus complet, il montre qu’il est tout autant capable de fantaisie que son compère, capable de s’illustrer dans plus de compartiments du jeu, et possède un facteur confiance face aux perches non négligeable, ce qui pénalise grandement Ihaia West. À l’heure actuelle, on ne connaît pas l’avenir de ce dernier, là où Hastoy est sous contrat jusqu’en 2029. Il incarne à la fois le présent et l’avenir du club. Un choix plus cohérent en définitive.

Crédit photo : Mathieu DARRAS de Fièvre SR